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5 déc. 2018

Fusillés de 14-18 : Une histoire d'espionnage (3)


Vous l'attendiez avec impatience, voici la suite des interrogatoires et investigations du commissaire FABIANI et ses équipes sur les accusations d'espionnages et d'intelligence avec l'ennemi de Sylvain "Henri" LLENSE, Dominique LEONARDI et Louise GARNIER. L'affaire prend des tournures de films noir.

Extrait du rapport du service de la sûreté de Lyon - 8 mai 1918 - memoiredeshommes.gouv.fr
Nous sommes en mai 1918. Suite à son audition, Sylvain LLENSE, emprisonné, est inculpé pour provocation de militaires à la désobéissance d'après son interrogatoire du 8 mai 1918.

L'interrogatoire de la maîtresse de LLENSE


Le commissaire FABIANI entreprend l'interrogatoire de Louise GARNIER.
Verso du passeport de Louise GARNIER
- memoiredeshommes.gouv.fr
 Louise GARNIER déclare avoir rencontré Sylvain en mai 1917, par l'intermédiaire d'une femme galante à laquelle il vendait de la cocaïne. Ils ont démarré leur relation amoureuse au mois de septembre suivant, tout d'abord au domicile de Louise puis dans la chambre de Sylvain à partir de mars 1918. Elle déclare savoir que Sylvain se drogue et revend de la drogue mais nie l'espionnage. Elle lui aurait donné 500F au total. Ils auraient ensemble récupéré 1500F qui aurait été partagé entre eux équitablement. Elle déclare cependant que sur cette somme, elle aurait donné 700F à LLENSE et qu'elle aurait gardé 680F qu'elle aurait envoyé à Châlon-sur-Saône (vraisemblablement dans sa famille). Concernant l'avocat de LLENSE, Me REMUSAT, Louise déclare que celui-ci utilise la chambre de son client et se sert en cocaïne pour son usage personnel et celui de LLENSE en prison.
Depuis 1914, Louise aurait pour amant un étudiant américain de Nice, M. JENNINGS. Le commissaire FABIANI l'interroge sur ses déplacements, prouvés par les tampons sur son passeport. Louise dit alors qu'elle a accompagné son amant américain à Lisbonne lors de son retour aux Etats-Unis, en passant par Naples en décembre 1915, puis qu'elle a fait le chemin inverse en février 1916.
Suite à ces déclarations, le commissaire FABIANI entreprend la perquisition du domicile de Louise, 6 rue de la Barre, et y découvre des correspondances, des photos et des laissez-passer et passeport au nom de Charles JENNINGS. 

Dans le même temps, le commissaire reçoit un rapport qui confirme que l'écriture d'une lettre manuscrite de février 1918 au 1er Conseil de Guerre par LLENSE correspond à l'écriture sur les feuilles d'informations stratégiques fournies à l'ennemi par LLENSE. LLENSE avoue les faits.

L'implication de CHALANGE et les investigations à Cerbère

Ce dernier fait alors une deuxième déclaration et en profite pour accuser le soldat CHALANGE d'avoir établi un faux signé LLENSE pour récupérer de l'argent de la part de Louise. LLENSE demande alors à ce que CHALANGE soit recherché et porte plainte pour détournement à hauteur de 700F !

Le commissaire FABIANI avait ordonné une enquête de police à Cerbère sur la famille LLENSE. Dans leur rapport, les policiers déclarent que la famille LLENSE est une famille modeste, le père est employé des chemins de fer du Midi et gagne 130F par mois. La mère travaille en faisant des ménages et touche 60F par mois. Ils ont une petite propriété à Canet qu'ils louent pour un revenu de 120F par an. Concernant le parcours de Sylvain LLENSE, ils ont établi qu'il était surnuméraire dans les PTT et qu'il a été muté à Marseille. Dans l'armée, il faisait partie des services auxiliaires et a été vaguemestre à Mont-Louis et Bourg-Madame puis Paris. Révoqué en 1916 pour indélicatesse, les policiers ont trouvé des irrégularités de gestion à Mont-Louis et des disparitions de mandats-poste à Bourg-Madame, lors des temps de présence de Sylvain LLENSE. En 1917, Sylvain est employé à Cerbère 4 ou 5 mois chez ESTEVE fils, puis il a été remercié. Mobilisé suite à la loi Dalbiez, Sylvain propose une affaire à ESTEVE comme le placement de 1200 mètres de mèches à briquet pour une commission de 150F, affaire exécuté par Léon VELLE, ancien courtier d'ESTEVE. En octobre 1917, Sylvain emprunte 400 pesetas à ESTEVE à la succursale de Barcelone, remboursé par la suite. De ce voyage, il aurait rapporté de la contrebande et notamment de la cocaïne. Il dépose ensuite 4000F qu'il donne à sa mère. En février 1918, il reprend 2000F. Concernant son livret de Caisse d'Epargne, on peut y trouver un retrait de 1200 et 1500F en avril 1917. Depuis janvier 1917, Sylvain reçoit 500F par sa famille. 


Le commissaire va alors interroger le soldat Théophile CHALANGE concernant les allégations de LLENSE. Le soldat CHALANGE a déserté en 1909 en Allemagne alors qu'il était incorporé au 19ème Bataillon de Chasseurs à Pied à Verdun. Interné en Allemagne, il se serait évadé par la Hollande en mars 1917. Il est alors incorporé au 2ème Régiment de Zouaves à Oran puis au PAOL en janvier 1918. C'est là qu'il devient le camarade de lit de Sylvain LLENSE. Théophile CHALANGE accuse Louise GARNIER d'avoir inventé que LLENSE demandait des fonds à la prison pour pouvoir les garder. Il nie avoir récupérer les 700F. 


Le commissaire organise ensuite une confrontation entre Louise et Théophile. Louise accuse Théophile d'avoir écrit le billet seul et dit qu'elle a donné 700F à CHALANGE, ce dont aurait été témoin le soldat BAZIN. CHALANGE, lui, persiste dans sa version et nie toute implication dans cette escroquerie.

Perquisition chez les LLENSE

Les policiers de Cerbère continuent quant à eux leurs investigations et découvre dans la chambre de Sylain LLENSE : 1 enveloppe contenant : 1 billet de 500F et 13 billets de 100F tous neufs ou très récents. Il retrouve également un livret de Caisse d'Epargne dont le solde est de 1484 F au 28 juin 1915, alors que le solde au 13 avril 1917 était de 337F. Ils trouvent également 5 lettres de Barcelone :
- une lettre de Arturo CHARPENTIER d'octobre ou novembre 1917 adressée au 138 Cours Lafayette à Lyon.
- 2 lettres de Cerbère au nom de Jean Julia concernant des renseignements sur la prohibition par la douane des marchandises en provenance d'Espagne.
- une lettre de Louis GINESTY de Marseille concernant des échantillons de chaussettes.
Concernant les économies personnelles de la mère de Sylvain, les policiers trouvent une boite en métal et un portefeuille de cuir noir contenant 2300F. Son livret de Caisse d'Epargne contient 1048F et mentionne un retrait de 1074F en 1917. Les policiers déclarent que la maison de Canet a été achetée en décembre 1911 pour 3000F, laquelle somme proviendrait de la vente d'une maison à Perpignan (au quartier Saint Gaudérique) pour 2500F. Dans la chambre de Sylvain, on trouve également une feuille de colis postaux donnée par LLENSE pour recevoir des colis à Paris et un télégramme du 28 avril 1918 où Sylvain demande l'envoi de 2000F par son père. Dans son armoire, on trouve une garde-robe "luxueuse et abondante". 

Les policiers procèdent ensuite à l'interrogatoire de la mère de Sylvain. Celle-ci a exercé plusieurs métiers, notamment ouvrière en usine d'engrais chez ESTEVE, puis transbordeuse d'oranges en gare de Cerbère. Elle a également été représentante de M. BELISSAN, marchand de machines à coudre SINGER, M. AGRAMUNT, bijoutier à Céret et M. BARRERA, marchand de meubles à Céret. Elle déclare que son fils Sylvain travaille chez M. ESTEVE depuis ses 15 ans. 

Premières comparutions de LLENSE et LEONARDI

Sylvain va comparaître pour la première fois le 16 mai 1918. Il reconnait les faits dont on l'accuse et confirme ses déclarations, choisit Me BONTEMPS pour le représenter, après le désistement de Me CHAUMIER. LEONARDI comparaît également, mais conteste les faits et demande un avocat.

Les rapports du 17 et 18 mai vont être accablants pour les accusés, à découvrir dans un prochain article.

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