L'interrogatoire de Louise GARNIER
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Passeport de Louise GARNIER - memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr |
Après l'interrogatoire de Sylvain LLENSE le 8 mai 1918, le commissaire FABIANI interroge Louise GARNIER, la compagne de Sylvain LLENSE au moment des faits. Celle-ci avoue avoir connu LLENSE en mai 1917 et avoir entamé une relation amoureuse en septembre d'abord chez elle, puis chez LLENSE à partir de mi-mars 1918. Elle avoue également être informée de l'addiction et de la revente de drogue par son amant mais nie totalement tout lien avec les accusations d'espionnage. Elle lui aurait donné 500 F en tout. Elle aurait trouvé une somme de 1500 F qu'elle aurait divisé en deux et aurait confié à un soldat pour la remettre à LLENSE. Puis elle évoque une somme de 1380 F dont 700 F lui appartiendrait et qu'elle aurait remis à LLENSE. Les 680 F restants aurait été envoyé à Chalon sur Saône.
Elle ajoute qu'actuellement, Me REMUSAT , l'avocat de LLENSE, dort dans la chambre de celui-ci et se sert en cocaïne dont il remet une partie à LLENSE alors emprisonné.
Elle avoue avoir un amant depuis 1914, nommé JENNINGS, un étudiant américain à Nice. Elle l'aurait accompagné à Livourne. En décembre 1915, M. JENNINGS part aux États-Unis, Louise en profite pour l'accompagner à Lisbonne en passant par Naples. Elle est de retour en France en février 1916. En effet, lors de la perquisition chez Louise GARNIER, au 6 rue de la Barre, les agents de police trouvent des correspondances, des photos des laisser-passer et un passeport au nom de JENNINGS Charles, de nationalité américaine. Ils ont également des documents portant des tampons de laisser-passer :
- du Consulat italien de Nice le 23/06/1915
- de Bordeaux pour Hendaye le 13/12/1915
- de Hendaye pour Chalon-sur-Saône le 28/02/1916, tamponné le 03/03/16
- bon pour Italie de Nice le 27/11/1915 valable jusqu'au 02/12/16
- bon pour Lisbonne le 11/03/1916
L'interrogatoire s'arrête là.
Les aveux de LLENSE
Le commissaire FABIANI interroge le lendemain Sylvain LLENSE. En effet, il a à présent un rapport du Conseil de Sûreté, lequel l'informe qu'une enquête était déjà en cours concernant LLENSE et ses dépenses exagérées ainsi que sur ces activités de revente de drogue et la suspicion de faire partie d'un réseau d'espionnage pour l'Allemagne.
Une lettre manuscrite de LLENSE datant de février 1918 au 1er conseil de guerre permet de confirmer que l'écriture sur les documents envoyés au service de renseignements des Allemands en Espagne correspond bien à celle de LLENSE.
Celui-ci passe alors aux aveux, confirme les propos de Louise GARNIER, mais la dédouane de toute implication ou connaissance de ses actes d'espionnage ou de vente de drogue.
Il en profite pour accuser le soldat CHALANGE Théophile, lequel aurait établi un faux pour récupérer la somme de 800 F. En effet, celui-ci ne lui a jamais remis la somme 700 F évoquée par Louise. LLENSE demande alors à ce que ce soldat soit recherché et porte plainte pour détournement.
Enquête sur les parents de LLENSE
Le commissariat spécial des Chemins de Fer a établi un rapport sur la famille LLENSE à Cerbère (66). Il s'agit d'une famille modeste, le père est employé des Chemins de Fer du Midi et gagne 130F/mois. , la mère fait des ménages et gagne 60F/mois. Le couple possède une propriété à Canet-en-Roussillon (66) qu'il loue 120F/an.
Concernant Sylvain LLENSE, il était bien employé surnuméraire des PTT nommé à Marseille en 1914. Durant la guerre, il faisait partie des services auxiliaires en tant que vaguemestre à Mont-Louis (66), Bourg-Madame, puis Paris, poste dont il a été révoqué pour "indélicatesse" en 1916. En effet, des irrégularités de gestion ont été détecté à Mont-Louis des mandats-postes ont également disparu à Bourg-Madame.
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Mandat-Poste - pièce n°65
memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr |
En 1917, Sylvain LLENSE est employé 4 à 5 mois chez ESTEVE fils, puis remercié. Lorsqu'il est mobilisé, suite à la loi Dalbiez, il propose des affaires, tels que le placement de 1200m de mèches à briquet pour 150F à Léon VELLE, ancien courtier d'ESTEVE . En octobre 1917, ESTEVE lui prête 400 Pesetas dans une succursale de Barcelone. Il donne 4000 F en dépôt à sa mère.
En février 1918 il vient récupérer 2000 F au domicile de ses parents. Sur son livret de Caisse d'Epargne, on note un retrait de 1200F sur les 1500 F présents en avril 1917. Depuis janvier 1917, sa famille lui a envoyé en tout 500F. Dans le dossier, sont consignés des mandats de ses parents établis de 1910 à 1917, ce ne sont que des petites sommes allant de 9 F à 102.85 F, sauf le 27/02/1918, où le mandat atteint 200 F.
A la fin du rapport, le Commissaire spécial conclue par : "Les renseignements recueillis sur LLENSE lui sont peu favorables."
Et ce n'est pas l'interrogatoire de Théophile CHALANGE qui va arranger sa position !
A suivre...